Impressions indiennes

Impressions indiennes

La partie indienne du voyage touche à sa fin. On nous demande souvent ce qu’on a préféré dans le voyage jusqu’alors, quels pays étaient les mieux. C’est un peu le choix de Sophie pour nous cette question (en imaginant que Sophie n’aurait pas 2 enfants mais près d’une dizaine): impossible d’y répondre. Partout il y a des choses qu’on a aimé et d’autres qu’on a moins aimé. En Inde aussi évidemment. Mais ici il y a surtout quantité de chose qui nous ont étonné, sans forcément que ça nous amène à juger si c’est en bien ou en mal. Voici donc un petit melting pot de nos souvenirs d’Inde, de toutes ces images qui pour nous font l’Inde:

Thums up, le coca qui semble aromatisé à la rose: surprenant (d’après wikipédia ce serait de la noix d’Arec, nous on maintient que ça a le gout de rose!)!

Udaïpur

Udaïpur

– Les vaches partout. Les vaches et les chèvres en ville, qui font les poubelles. Mention spéciale à la vache qui a essayé d’embrocher Alexis.
– Les gens qui marchent pieds-nus (y compris parfois avec la malchance de mettre le pied dans une bouse, en pleine ville). Et je parle là de femmes avec de beaux saris, pas uniquement de gamins des rues.
– Le lassi (salé, c’est meilleur), le cumin
– Le goût des indiens pour les photos: les visites se font au pas de course, mais en prenant tout en photo. Nous n’avons vu aucun indien s’arrêter pour lire un panneau explicatif, mais pas la peine: ils les ont aussi pris en photo! Je ne reviens pas sur leur envie de nous prendre en photo, mais on a rarement été aussi sollicités qu’ici! Malheureusement l’intérêt se limite souvent à savoir de quel pays on vient et à vouloir nous prendre en photo un peu en mode « ah tiens, une photo de français, j’ai pas encore ça dans ma galerie! »
– L’aspect grégaire: les indiens se déplacent beaucoup en groupe, en groupe rapproché. Nous avons parfois eu le malheur de nous intercaler dans le milieu d’un groupe lors de déplacements pour visiter des monuments: grande perturbation! on sent qu’on rompt un équilibre. On a vraiment l’impression d’une peur du vide. C’est pareil en faisant la queue, il faut en général jouer des coudes. Et même quand il n’y a pas affluence, les personnes derrières nous dans les queues ont souvent tendance à être si proches que les chaussures se touchent! Très désagréable pour nous occidentaux, qui avons besoin d’une bulle de la distance des bras pour nous sentir bien.

Pushkar: le temple de Brahma

Pushkar: le temple de Brahma

– Les vêtements des femmes sont magnifiques! Il y a vraiment une façon de s’habiller à l’indienne, que ce soit avec le sari ou l’ensemble tunique et pantalon (Salwar Kameez). Même à Delhi, dans toutes les castes, les femmes ont un style vestimentaire qui n’est pas celui de l’occident. Il peut être modernisé: tunique indienne sur un jean, mais il garde vraiment ses spécificités. J’ai pu remarquer aussi que s’habiller à l’indienne est très bien perçu, ceci m’a valu beaucoup de compliments de la part des femmes. Et puis aucun problème pour rentrer dans les temples! Ajoutons à cela que c’est très confortable, même lorsqu’il fait très chaud! Par contre je reste toujours étonnée du contraste entre l’impératif de porter une tenue très « chaste »: épaules et jambes couvertes, alors que le sari laisse apparaître une bonne partie du ventre et de la taille. En fait, je trouve le sari très sexy. Et il est porté à tout age, et quelque soit la morphologie.
– Le code de la route, non; le klaxon, oui! Autant il n’est pas surprenant de voir un indien emprunter l’autoroute à contre-sens (la première fois c’est très flippant!), parce que ça évite de faire un détour pour choper la bretelle, autant vous ne rencontrerez jamais un indien qui ne klaxonne pas! Le klaxon sert à tout et surtout à se signaler: pour doubler, pour indiquer à des piétons de se pousser, pour changer de file, pour tourner… On a même vu des camions incitant les autres à klaxonner par une indication « Horn please » à leur arrière.
– L’anglais avec l’accent Hindi: tout un poème! Grand moment de solitude lorsque notre interlocuteur nous indique que nous pourrons trouver ce que nous cherchons au « Lakshiti Palaash ». Sur ce, Alexis lui demande de nous l’écrire, en s’excusant de notre manque de familiarité avec les noms Hindi. Et nous voyons alors écrit, en bon anglais: « Lake City Palace ». C’est ce qui s’appelle une boulette!
– Les castes: un système complexe et immuable. La notion de caste sous-tend nombre de relations, d’une façon que nous avons beaucoup de mal à percevoir et comprendre. Nombre d’indiens nous ont indiqué leur caste, malheureusement ceci a trop peu de résonance pour nous. Et puis on a beau le savoir, penser qu’on naît et meurt sans pouvoir rien changer à cela est très difficile à concevoir.
– A qui profite l’argent du tourisme? Prenons un exemple simple: nous avons payé 3000 roupies, à un agent de voyage, pour notre seul trajet en voiture de Jaïpur à Jodhpur, incluant la visite de 2 sites presque sur la route. Lors du départ, nous avons rencontré le propriétaire de la voiture que nous avions louée. Il y a eu un échange d’argent entre les 2, qui nous a semblé être de 2000 roupies. Puis, nous avons vu notre chauffeur et, en discutant pendant notre journée de trajet, il nous apprend qu’il est payé 3000 roupies…par mois. Selon lui, un chauffeur « de maison » gagne 10000 roupies par mois, mais ne touche pas de pourboires. Ca fait réfléchir, sur les écarts de niveau de vie, sur le fait que le mec qui nous a vendu la prestation touche bien plus en 15 min que celui qui nous a conduit toute la journée… et bien sûr sur tous les biens qu’il est impossible de s’offrir avec un tel salaire, même en ajoutant beaucoup de pourboires. Bien sûr, on sait tout ça, mais on a tendance à préférer l’oublier et parfois des exemples très concrets viennent nous le rappeler.
– Les images de paons sont partout. C’est l’oiseau national. On trouve ses couleurs ou des dessins stylisés rappelant la forme des « yeux » de ses plumes un peu partout, notamment dans le textile. L’animal refait son plumage une fois par an, et je n’ai même pas réussi à acheter une brassée de plumes!
– Pour moi le voyage en Inde sera également marqué par un livre, trouvé dans une auberge à Jaisalmer et que j’ai dévoré en 2 jours: l’Histoire de Pi. Un livre qui, au delà de l’histoire elle-même, évoque beaucoup l’Inde. J’adore être en voyage et lire un roman qui me fasse découvrir d’autres facettes du pays, ou simplement prendre conscience de choses auxquelles je n’avais pas prêté attention auparavant.
– Les couleurs : nous n’avons pas eu la chance de nous trouver en Inde à la période de Holi, le festival des couleurs, mais nous en avons quand même pris plein les yeux: rouge, rose, vert, bleu, safran, violet, or! Les couleurs ornent les saris, les turbans, les tentures, les édifices!
– L’art de la négociation: j’adore négocier, quand cela se fait dans la bonne humeur et avec le sourire. En Inde, nous avons négocié pour tout. Parfois, la bonne technique c’est de diviser le prix par 4, en expliquant très gentiment qu’on ne sait pas si c’est ce que ça vaut, mais c’est ce qu’on est prêt à mettre. et si ce n’est pas assez, tant pis, on fera sans: imparable!
– L’omni-présence de la religion, les rituels quotidiens, le nombre de temples. L’hindouisme est une religion polythéiste mais où chaque dieu est en quelque sorte une des incarnations de Brahma.
– L’interdiction d’accéder aux temples jaïns pour une femme ayant ses règles. Je me suis bêtement demandé si ça arrivait qu’il y en ait une qui se signale. J’y pense surtout en voyant les groupes de voyages organisés, parce que statistiquement, dans le lot, y’en a forcément quelques-unes concernées. Je l’évoque avec un peu de cynisme, parce que je suis toujours partagée entre le respect et l’indignation… non, OK, pas de politiquement correct, je suis franchement indignée! Les femmes ne sont pas des êtres impures, screugneugneu! (enfin pas plus que les hommes)

– Dans le même registre, c’est aussi ici que j’ai développé un super pouvoir: l’invisibilité. Il m’a fallu du temps pour comprendre qu’ici hommes et femmes ne sont pas traités de la même façon. La majorité des personnes qui travaillent dans le tourisme  (au sens large, j’inclus les chauffeurs de taxi et de tuc-tuc) sont des hommes. Ces hommes s’adressaient toujours à nous par un « hello sir ». Il m’a fallu une bonne semaine pour arrêter de répondre à ces appels qui ne m’étaient pas destinés et comprendre que ces hommes s’adressent à Alexis, tout simplement comme si je n’existais pas. Le problème se posait encore plus lors de négociation: c’est moi qui négocie, mais c’est à Alexis qu’on répond, c’est moi qui paye mais c’est à lui qu’on rend la monnaie, c’est moi qui pose une question mais c’est à lui qu’on répond, sans même me regarder. Parfois également on lui dira « nice girlfriend », vraiment comme si on parlait de quelqu’un d’absent. J’ai décidé de passer outre le côté horripilant de ces situations et d’en tirer partie en laissant Alexis se débrouiller pour tout: demander le chemin, commander au resto, négocier… euh non, pas négocier quand même!

empreinte de pied sacré

empreinte de pied sacré

– Nous ne l’avons pas remarqué de suite, mais devant presque chaque maison, comme dans les temples, on trouve des petites empreintes de pieds. Ce sont les symboles de la présence des divinités.
– Notre petite fierté bête du voyage: avoir échappé au point de safran sur le front! Certes c’est une bénédiction mais: 1- ça ne nous parle pas tellement d’être bénis, 2- on a vu tellement de touristes qui en étaient parés qu’on s’est dit que c’était un peu comme leur écrire « pigeon » sur le front.
– Le langage non verbal: on a vu beaucoup d’indiens, dans différentes situations, faire un drôle de mouvement de tête, comme un balancement de gauche à droite partant du menton. Nous sommes restés longtemps très perplexes en se demandant la signification. C’est même devenu un jeu entre nous. A force d’observation, nous en avons déduit (mais c’est peut-être faux) qu’il s’agissait d’une expression de la gêne: quand on demande quelque chose qui n’est pas possible et auquel ils doivent dire non, quand on dérange, etc.
– Nous voulions aller voir un film Bollywood au cinéma, mais nous avons été un peu découragés par la durée (3 heures) et l’absence de sous-titres. Je me suis rattrapée dans l’avion avec un très bon film bollywood sous-titré en anglais. Parce que vu nos difficultés à interpréter le non-verbal, le sous-titrage paraissait bien utile!
– Les odeurs: dans les rues il y a parfois d’horribles odeurs de pisse (les trottoirs servant volontiers d’urinoirs), mais aussi de surprenantes odeurs d’essence de rose. En passant également par les odeurs d’encens, de canalisations qui refoulent ou de délicieux currys…
– Lors de notre séjour a été votée une loi reconnaissant le genre neutre en Inde. Il semble que la nouvelle ait fait plus de bruit dans la presse internationale que dans la presse nationale et les indiens avec lesquels nous avons tenté d’aborder le sujet n’ont pas semblé vouloir en discuter. N’empêche qu’on se demande bien comment cela va être mis en oeuvre dans un pays où il y a une forte séparation des genres: files spécifiques pour les femmes, obligation d’indiquer son sexe pour réserver un billet de train, etc.
moustache – L’Inde c’est aussi le pays de la moustache, avec des tailles et des formes parfois impressionnantes!

Bref, tout ça pour dire que c’est un pays qui se ressent, un pays d’émotions. J’aime les pays qui me surprennent, qui me déroutent, qui me font réfléchir, j’aime les pays qui ont une culture, une identité forte: j’aime l’Inde!